ELDORADO
Pour simplifier on va l'appeler Oko.
Oko m'a contacté par l'intermédiaire du mail du Fox Roller Club d'Angoulême.
Il demandait à être intégré au club, et voulait avoir les renseignements sur les modalités.
Il m'indiquait qu'il pensait pouvoir venir en France l'année prochaine.
Jusque là rien de particulier, hormis les formules de politesse alambiquées et très soumises qu'on doit leur apprendre à l'école et qui datent du temps des colonies, du style "j'ai l'honneur de solliciter votre bienveillance pour vous demander d'avoir l'obligeance..."
Je me suis même demandé si c'était pas une blague, jusqu'à ce que Jacques, qui travaille dans une école, me dise qu'ils recevaient souvent des lettres de candidatures d'Afrique dans le même style.
C'est au 2ème mail que ça s'est gâté. Car dans sa réponse, j'ai eu la nette impression qu'il croyait que notre club était une école. De plus il me demandait où logeaient les jeunes qui étudient chez nous, et s'il pouvait avoir de l'aide pour obtenir un visa. Je l'ai donc détrompé, en lui expliquant bien que nous étions un club de loisir.
Il a insisté quand même, en m'expliquant qu'il avait bien compris mais qu'il était vraiment motivé pour venir dans un club de roller en France. Et là un doute m'a assailli. Je me suis rendu compte que ce gars n'avait pas d'autre projet, et que la seule raison de sa venue en France serait d'entrer au Fox Roller. Ou vice-versa. Ce qui ne lui laisse pas de grandes perspectives d'avenir...
Je lui ai donc demandé ce qu'il pensait faire ici, s'il allait avoir un travail ou suivre des études, et en tout cas comment il comptait vivre.
Sa dernière réponse a confirmé mes doutes. Il me dit que je l'ai découragé (ouf! cela m'a rassuré, je me voyais mal être responsable de la situation d'un Gabonais sans emploi et sans logement).
Il me dit qu'il voulait venir en France dans un club et peut-être trouver un travail à temps partiel...
Il me donne l'exemple des footballeurs, qui réussissent rapidement et font fortune en France. Il imaginait pouvoir gagner sa vie en roller.
Je cite: "je voulais vraiment etre dans un club quand je vois les joueurs de football reussir et gagne de l'argents moi aussi je me disais que c'etait la meme chose avec les rollers".
Mais il insiste une dernière fois quand même en me disant qu'il est un homme et qu'il devrait pouvoir trouver du travail facilement pour subvenir à ces besoins.
Je n'ai pas encore répondu, je ne sais pas si je vais le faire...
Avec ce genre d'échange, on peut se rendre compte combien les africains idéalisent la France ou l'Europe, et comme leur vision est à mille lieues de la réalité.
On comprend mieux pourquoi ces milliers de clandestins, venus avec leurs seuls espoirs.
Je crois que j'ai brisé un rêve. C'est un peu triste, mais je pense avoir bien fait. Je ne connais pas les conditions de vie d'Oko au Gabon, mais je ne suis pas sûr qu'il trouve ce qu'il recherche en France. En tout cas pas de la façon dont il l'abordait...